NAASSE VENISHMA - Sarel
Israël au Sinaï , "Nous ferons et nous entendrons"
Ce texte, est cité maintes fois, dans la littérature rabbinique et dans nos livres de prières, il dit le courage d’Israël s’approchant de la Loi comme on s’approche de l’absolu. Récusant ainsi toute idée de marchandage pour négocier une loi « adaptée et confortable ».
La formule biblique "nous ferons et nous entendrons" est souvent comprise comme l'acceptation de la Torah avant même de comprendre le sens des mitsvoth. D'autres exégètes lisent autrement le verset, comme Abraham ibn Ezra (1089-1164)
Au mont Sinaï, Israël s'engage devant Dieu à respecter la Torah pour les générations futures.
Exode chapitre 24
Et il [Moïse] prit le livre de l'Alliance, dont il fit entendre la lecture au peuple et ils dirent : "Tout ce qu'a prononcé l'Éternel, nous l'exécuterons docilement." [Littéralement "nous ferons et nous entendrons].
Abraham ibn Ezra (1089 – 1164)
Et il prit le livre de l'Alliance : […] le sens de "nous ferons" tout ce qui est écrit et "nous écouterons" en permanence pour ne pas oublier de notre bouche. […]. On peut aussi expliquer: "nous ferons" les commandements plantés dans notre coeur, et nous écouterons les commandements reçus par tradition. Ou bien: "nous ferons" tous les commandements que nous ont été ordonnés jusqu'à présent, et nous écouterons tous les commandements futurs. Ou bien "nous ferons" les commandements positifs, et "nous écouterons" les commandements négatifs.
Note
L'originalité du troisième commentaire d'Ibn Ezra ici est de scinder l'expression en deux pour les appliquer à deux parties distinctes de la Torah: ce qui est déjà donné à Moïse, et ce qui est encore à donner. En fait le peuple s'engage pour ce qui a été déjà entendu, pour le reste il veut d'abord entendre. Au niveau du midrash ce distinguo est occulté: dans ce cas Israël accepte toute la Torah (ce qui est déjà donné et ce qui sera donné), puis il étudie pour comprendre le sens des mitsvoth.
Naassé Vénichma
Il faut rappeler une distinction traditionnelle établie par les rabbins : celle qui existe entre les Michpatim, précisément, les commandements dits « rationnels » et les Houquim, les commandements « irrationnels ».
Imaginons un instant la réponse inverse : Nichma Vénaassé (= « nous entendrons et nous ferons »). Cette réponse possible fut en pratique celle de toute la philosophie occidentale, dont Leibnitz a crû bon d’isoler et de formuler, au 17ème siècle, l’un des principes fondateurs : le fameux principe de raison suffisante : « Nihil est sine ratione » (= « Rien n’est sans raison »).
Dans le domaine pratique, ce principe équivaut à promouvoir une sagesse solidement frappée au coin du bon sens : j’agis parce que j’ai « des raisons d’agir ». La version juive de cette idée, quant à elle, puise sa source dans une conception plus profonde, dont l’origine se trouve dans la notion de Création du monde, celle du « Yesh Mé-Ayin », le « quelque-chose à partir de rien », la Création à partir du néant. Dans le domaine pratique, ce « Yesh-Mé-Ayin » pourrait s’énoncer ainsi : « sans que toutes les raisons d’agir me soient données, j’agis quand-même »…
« Naassé » : j’agis, et le simple fait de mon action crée des conditions matérielles nouvelles, qui elles-mêmes créeront des éléments, inexistants au départ, sur lesquels je pourrai ensuite m’appuyer, et bien sûr, alors, comprendre avec un surplus de richesse : « Vénichma »…
Naassé Vénichma, Michpatim VéHouquim : cette sagesse, notre héritage, est placé devant nous. Malgré son côté, avouons-le, parfois un peu aride, il nous appartient de creuser son enseignement tant il est vrai que, tout comme pour la construction du Michkan à cette époque, c’est bel et bien à une construction que ces lois nous invitent : celle d’un espace social vivable, dans notre société à nous.
Car rappelons-nous : après le Matan Torah et les Lois, il y a la construction d’une maison, d’un Michkan. Une maison, un monde où tous les hommes peuvent tenir ensemble et qui, d’après une maxime des Pirqué Avot, se doit justement d’être fondé sur trois piliers : Emet (la vérité), Michpatim (les jugements), et Shalom (la paix).
mjlf
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